Quand Hannah Arendt en 1962, regardant Adolf Eichmann au procès de Jérusalem, pensait à la banalité du mal, elle avait en face d’elle l’administrateur des transports des 6 millions de juifs qui furent gazés dans les camps de la mort. Jamais, dans l’histoire de l’humanité, nous n’avions connu un tel niveau de barbarie. Il aura fallu d’ailleurs attendre les années 1990 pour parvenir à qualifier l’impossible, l’impensable, l’inqualifiable. C’est finalement le mot Shoah que Claude Lanzmann utilisera pour désigner le plus grand crime contre notre humanité. Shoah, en hébreu, veut dire la chose… quelque chose d’indéfinissable.
Juifs, mais avant eux et avec eux, malades mentaux, tsiganes, homosexuels, communistes, résistants furent torturés, massacrés sans raison apparente par une armée de maîtres-chiens. Qui y avait-il de raisonnable à se croire supérieur à ce point de vouloir, après l’extermination des juifs, celle du peuple polonais ? Il n’y a jamais eu de raison à se penser supérieur à un être humain, qualifié de sous-homme, d’Untermensch ! Et quelle raison peut-il y avoir à provoquer la mort de 60 millions d’hommes et de femmes entre 1939 et 1945 ? Militaires et civils de tous les pays ont tous payé un lourd tribu face aux armées du IIIe Reich.
En France, le comportement complaisant d’une grande majorité de nos concitoyens vis-à-vis de l’occupant ne doit pas nous faire oublier l’action des justes, des résistants et de nos militaires contre l’Allemagne nazie, aux côtés de nos alliés russes, anglais et américains. Cette capitulation, nous la devons d’abord au sacrifice de toute une génération. Cette libération, nous la devons aussi à l’intuition d’un homme qui aura toujours cru à la France. Charles de Gaulle n’a pas été que le chef de l’armée des ombres. Il aura incarné, pour des millions de Français, le rêve d’un monde meilleur, empreint de fraternité, de solidarité et de justice sociale, aux antipodes des valeurs Travail-Famille-Patrie de ce vieillard cacochyme, frappé d’indignité nationale que fut le maréchal Pétain. Ce sont ces valeurs qu’aura su mettre en œuvre le Conseil National de la Résistance, dès 1945 dans un esprit de concorde retrouvée.
Si nous sommes aujourd’hui rassemblés, c’est évidemment pour nous souvenir de tous ces hommes et de ces femmes qui ont donné de leur vie pour maintenir la civilisation contre la barbarie, pour nous garantir la paix. Notre devoir est de ne jamais les oublier et de faire en sorte que les générations futures ne les oublient jamais. C’est l’objet de notre présence, ce matin, face au monument de Saint-Eloi-de-Fourques.
Denis Szalkowski
Maire de Saint-Eloi-de-Fourques